• 834

    Finalement elle avait des crevettes et de la mayonnaise un compromis aux festivités seule comme avant ou toujours elle se savait apte à séduire quelques bites de passage des moules aussi mais depuis la disparition de sa mère tuée de ses propres mains sans regrets Amen le jour de Noël dégageait un de ces aspects fantomatiques irréels les rues vides la neige noire malgré la couleur et l'esprit qui se déroute facilement pour errer dans un bourbier fait de souvenirs oubliés de rêves clichés avortés de tout un bordel de merdes inutiles INUTILES INUTILES INUTILES alors elle ouvrit l'annuaire au hasard pointa un nom et murmura de sa voix mi ange mi salope mi pétasse celui là et si je le butais avant 2011 cet enculé


  • 833

    Il perçut le choc comme un évènement impossible la douleur intense lui coupait le souffle le deuxième impact le fit presque s'évanouir son oeil explora un horizon de lumières jaunes rouges puis l'autre celle qu'il considérait comme la plus belle chose qui lui soit arrivée depuis son retour à Paris posa le canon sur son front en un délicat baiser tiède et elle souligna avec soin par un trait de feu le dernier chapitre de leur histoire


  • 832

    Tu ne veux lire que de douces lignes des mots choisis qui assemblés au miel construisent une maison chaleureuse tu espères une vision de l'homme parfumée de bienveillance tu exiges que jésus bande sur la croix que les clous lui procurent des orgasmes à répétitions tu demandes à cette radio qu'elle te passe un titre de chanson toujours identique celui que tu aimes tu souhaites que ta vie soit exceptionnelle que les innocents sautent dans le vide arborés d'un sourire publicitaire tu as un appétit féroce tes dents rayent le plancher et la peau de l'intérieur de tes cuisses est merveilleusement douce mais l'odeur de ta chatte me projette sur des rivages ancestraux sans code de bonne conduite et c'est pour cela que tes désirs tes revendications tout ce fatras d'idées provenant de la grande contamination seront irrémédiablement désintégrés par ma volonté


  • 831

    Il s'était réveillé pendant la nuit en pleurnichant et l'homme le serrait contre lui. Chut, disait-il. Chut. C'est rien.

    J'ai fait un cauchemar.

    Je sais.

    Il faut que je te dise ce que c'était ?

    Si tu veux.

    J'étais avec mon pingouin à ressort et il pataugeait et remuait ses nageoires. Et nous on était dans la maison où on habitait avant et le pingouin est arrivé au coin mais on n'avait pas remonté le ressort et ça me faisait très peur.

    D'accord.

    Ca me faisait encore beaucoup plus peur dans le rêve.

    Je sais. Il y a des rêves qui font très peur.

    Pourquoi j'ai fait un rêve où j'avais tellement peur ?

    J'en sais rien. Mais c'est fini maintenant. Rendors-toi.

    Le petit ne répondait pas. Puis il dit : Le ressort ne tournait pas.

     

    La route, Cormac Mc Carthy


  • 830

    Joon n'était en aucune manière le Comte Pierre Kirillovitch Bezoukhov il n'était ni russe ni riche et il supportait au dessus de ses épaules une tête ornée d'un faciès indo-chinois de même aucune Comtesse Natalia Ilinitchna Rostova n'existait dans son histoire passé présente ou n'interviendrait dans son futur en résumé Joon se trouvait allongé dans une flaque de boue et il rampait comme un cafard qui tente d'échapper au dernier coup de semelle sa position souffrait bien d'une comparaison avec celle du Comte Pierre Kirillovitch Bezoukhov il incarnait un pion organique encore vivant disposé au centre d'un combat sanglant entre deux armées pourtant Joon ne connaissait pas Léon Nikolaïévitch Tolstoï et n'avait jamais lu Guerre et Paix ce manque culturel bénéficiait d'une excuse valable puisque Joon s'apparentait à un analphabète mais sa posture son comportement face aux chocs des corps contre corps coupures lacérations éventrations amputations diverses et variées était exactement celle du personnage du célèbre roman en effet Joon couvert de terre et de viscères parvenait à éviter le combat en progressant au ralenti au milieu de centaines de furieux qui s'entre-tuaient avec efficacité cependant à environ vingt mètres du fossé libérateur un sous lieutenant positionné sur le promontoire remarqua la bestiole rampante depuis quelques minutes il suivait des yeux l'astucieuse fuite de Joon et juste avant d'armer son fusil et d'y loger la balle qui fracasserait le crâne de Joon le jeune soldat aux yeux d'aigle prononça à voix basse et pour lui-même cette jolie phrase Mais on dirait le Comte Pierre Kirillovitch Bezoukhov